Je pars demain

Publié le par Robert Zitoun

Tout est prêt. Enfin, tout, sauf mon sac dont le contenu est encore étalé sur la table devant moi. Il va falloir maintenant le boucler et espérer ne rien avoir oublié.

La boule que j'ai au ventre grossit encore. Demain, au petit matin, je prendrai mon dernier petit déjeuner à la maison, je ferai une toilette de chat, mettrai mes chaussures, mon sac au dos et ma banane à la ceinture pour le grand départ. Ma femme, que je vais laisser à sa sœur pour mes 4 mois de marche solitaire, lève le nez de ses mots-croisés et me voit devant mon sac. "J'espère que tu réussiras dans ton entreprise et que tout se passera au mieux pour toi" me dit-elle de sa petite voix ferme puis elle repique du nez dans l'activité qu'elle exerce à longueur de journées.

Voilà déjà 5 ans que, chaque jour, je prépare son petit-déjeuner, ses remèdes, ses habits du jour, ses affaires de toilette ; voilà près de 40 ans que, mises à part quelques escapades individuelles, nous partageons tout. Ce moment, nous y avions pensé pour nous deux et je pars seul pour 4 mois. Comment vais-je vivre sans ce quotidien ? Réussirai-je à le retrouver dans 4 mois ? Dans une quinzaine de jours, j'arriverai chez un de nos enfants qui habite à Montpellier. Sa sœur l'y aura conduite pour un petit îlot de retrouvailles. Et puis, je trouverai bien le moyen de lui téléphoner de ci de là ; les cabines n'ont pas encore toutes disparues. Demain, Christine et sa sœur m'accompagneront jusqu'à la sortie du village pour un dernier baiser et je partirai, sans me retourner, au contraire d'Orphée, en chantant pour moi "J'ai perdu mon Eurydice".

Je regarde le matériel étalé devant moi, l'enfourne quasiment en vrac dans le sac et vaque à autre chose pour essayer de ne plus penser.

 

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